
Preuve ultime qu’au milieu du pire, le meilleur peut toujours advenir, la britannique Holly Humberstone a vu sa carrière décoller en pleine pandémie. Dans son premier EP Falling Asleep At The Wheel sorti en août 2020 chez Platoon Records, l’auteure, interprète et musicienne met en musique des morceaux de vie adulescents avec une maturité et une sophistication désarmantes. La vingtaine à peine entamée, armée d’un son plein de reliefs et d’une plume sincère, elle pourrait bien devenir le prochain phénomène pop alternative. Présentations.
SA CAMPAGNE NATALE COMME SOURCE D’INSPIRATION
C’est dans le Lincolnshire, en pleine campagne anglaise des Midlands de l’Est, qu’Holly Humberstone grandit. Grâce à des parents sensibles à l’art – sa mère violoncelliste amateure et son père fan de poésie, elle évolue dans un environnement qu’elle qualifie elle-même de « bazar fou et créatif ».
La jeune artiste se souvient d’après-midi aux côtés de ses trois sœurs à fabriquer des bijoux ou à upcycler de vieux vêtements, avant même que cela ne soit tendance ou écologique. Ses premières chansons, elle les compose à 7 ans. Plus tard, elle se prend à inventer des mélodies au piano sur la base des vers des poètes qui composent la bibliothèque paternelle. Côté musique, les goûts de ses parents – qui deviennent les siens – sont éclectiques : Damien Rice, Regina Spektor, Led Zeppelin, Pink Floyd, Radiohead (dont elle a brillamment repris le Fake Plastic Trees)… S’y ajouteront par la suite Lorde, Bon Iver, Phoebe Bridgers ou HAIM.
Cette bulle artistique, Holly Humberstone la construit par appétence mais aussi par nécessité, les enfants de son âge ou la ville dynamique la plus proche se trouvant à des kilomètres de la maison familiale. Des pratiques, des ambiances, des couleurs qui font aujourd’hui toute la richesse de son univers singulier.
« Pour l’EP, la plupart des choses que j’ai écrite sont des expériences qui ont eu lieu dans ma maison. J’ai grandi dans cette maison. J’ai l’impression qu’elle est une énorme part de mon identité et définit en quelque sorte mon son etc. »
C’est ainsi que l’une de ses sœurs tient la caméra du clip de Overkill le temps d’une course dans la forêt environnante, que toute la sororie assure les effets spéciaux dans la vidéo de Deep End ou que son père lui autorise à réduire en cendre sa vieille voiture pour illustrer Drop Dead. Des clips faits avec les moyens du bord, dans les paysages énigmatiques de son enfance.
Crise sanitaire oblige, c’est aussi depuis ce foyer, entourée de sa famille, qu’Holly Humberstone a vu sa carrière prendre un tournant décisif en 2020.
UN SUCCÈS CONFINÉ
Un an auparavant, Holly Humberstone se fait remarquer par la BBC grâce à une composition intitulée Hit & Run, inspirée du film Baby Driver. La démo finit sur les ondes de la BBC Radio 1 et vaut à la jeune femme de jouer sur la BBC Introducing Stage du mythique Glastonbury.
Ses morceaux suivants – enregistrés à Nottingham sous la houlette de Rob Milton (son producteur et le leader du groupe Dog Is Dead) – attirent l’attention de Niall Horan ou encore de Lewis Capaldi, qui lui confie la première partie de sa tournée européenne début 2020. Entre la personnalité flamboyante et le tour de chant inébranlable de Capaldi, et le rock enchanteur de Fatherson – l’autre première partie -, Holly Humberstone réussit à se tailler une belle place, à la seule force de sa voix éthérée, de son jeu de guitare et d’une pédale loop dont elle confie se servir maladroitement. Tout naturellement, elle gagne le cœur du public de la Wembley Arena de Londres ou encore de l’Olympia de Paris.
Puis, la pandémie stoppe net cette dynamique. Retour chez ses parents. Décidée à ne pas décaler la sortie de son EP Falling Asleep At The Wheel cet été, Holly Humberstone a finalement conduit toute la promotion depuis chez elle, troquant même la performance qu’elle aurait dû donner sur le plateau du Jimmy Kimmel Live par un live dans son jardin, guitare à la main, fesses sur le pare-choc d’un Range Rover.
En quelques mois, la jeune britannique a amassé des millions de streams et a tapé dans l’oeil (et les oreilles !) d’Apple Music ou du magazine Rolling Stone. Mais surtout, elle a tissé une belle relation avec ses fans fraîchement acquis, à travers les réseaux sociaux.
DU PERSONNEL À L’UNIVERSEL
« Je viens d’un endroit si petit, si aléatoire et insignifiant au Royaume-Uni. (…) Donc c’est vraiment étrange pour moi que ma musique résonne avec autant de monde. »
Dans les paroles d’Holly Humberstone transparaissent sa vie, ses expériences, ses émotions telles qu’elles sont. Une honnêteté qui fait la force de sa plume et qui permet au public de se reconnaître dans ses textes, de se sentir connecté à elle de manière particulièrement personnelle. Elle est de ceux qui écrivent des chansons comme on noircit les pages d’un journal intime, chaque morceau étant une séance thérapeutique.
« L’écriture est ma façon de traiter mes émotions. La plupart du temps, je ne sais même pas ce que je ressens à propos de quelque chose jusqu’à ce que je l’ai mis en chanson et que j’ai démêlé tout le désordre dans ma tête. »
Son EP mêle les thèmes de l’anxiété, du doute, de l’amour, sans aucun vernis :
« J’aime vraiment les chansons qui sont conversationnelles, qui n’essaient pas d’être poétiques, qui disent « voici ce que je dis » ou « ce sont mes pensées sans filtre ». J’aime écouter de la musique qui contient des détails personnels et des pensées décousues. »
Les discours oraux ou les conversations intimes qu’elle a du mal à tenir, elle les couchent en chanson, dans des strophes limpides. En témoigne Deep End, composé à l’adresse de sa sœur pour la soutenir dans une période mentalement difficile et lui dire combien elle tient à elle :
« I'll be your medicine if you let me /
Give you reason to get out of bed /
Sister I'm trying to hold off the lightning /
And help you escape from your head »
Dans Falling Asleep at The Wheel – le single, l’artiste se sert d’une névrose réelle (sa peur de conduire) pour construire une métaphore sur une relation dans laquelle elle ne se sent plus investie :
« I'm falling, falling asleep at the wheel /
Guess I forgot how to feel /
Just for a second, you're talking /
But I'm just pretending you have my attention. »
UN EP DES PLUS PROMETTEURS
C’est d’ailleurs le morceau Falling Asleep at The Wheel qui, au-delà de donner son nom à l’EP, a mis Holly Humberstone sur le chemin de son identité sonore.
« Je me souviens que la composition de cette chanson a été une étape importante pour moi. (…) Tout cela a définitivement été une aventure, en termes de textes comme de sons, parce que j’ai longtemps essayé de trouver, à travers la musique, quelle artiste je suis. J’ai eu le premier morceau de l’EP en 2018, et à partir de là, je savais où je voulais aller. Je pense que le résultat me résume bien dans l’ensemble. Voilà, c’est moi, et c’était vraiment important de prendre le temps et de bien faire les choses. »
La musique d’Holly Humberstone, c’est une pop sophistiquée où peuvent se rencontrer de sombres accords de piano, des beats syncopés, des accents enjouées et des guitares profondes. Le spectre émotionnel de sa voix n’a d’égal que la palette de textures de sa musique.
« J’aime vraiment la musique qui a ce mélange d’instruments réels, naturels et d’accents électroniques détendus et décousus. »
Du fantomatique Drop Dead au plus candide Vanilla, elle dresse une collection versatile d’instantanées de sa vie de jeune adulte, dans des versions aussi captivantes en version live qu’en studio.
Les six chansons s’écoutent d’ailleurs comme une seule, et on se surprend à laisser l’EP tourner en boucle. Une cohérence encore appuyée par la vidéo On The Run, dévoilée ce mois-ci. Dans le sillage des short-films des plus grands (The Weeknd ou Beyoncé s’y sont déjà essayés), ce plan-séquence de 14 minutes lie tous les morceaux entre eux. Dans un décor industriel déserté, Holly Humberstone simule la fuite et donne à ses tracks des airs de saga cinématographique, poussant même le détail jusqu’à publier un synopsis et une affiche de film. Si le mystère plane sur les raison de son échappée ou sur sa destination, on sait que, dans la vraie vie, la jeune femme court déjà vers son second EP, en cours d’écriture.
LES PAGES D’HOLLY HUMBERSTONE : INSTAGRAM, TWITTER, FACEBOOK, YOUTUBE
sous la plume de Coraline, le 16 février 2021.