Préparez-vous à être surpris·es. KennyHoopla n’est rien de ce qu’on attend de lui. À 23 ans, celui qui a dégoté son nom de scène dans un épisode de Bob l’Éponge nous balade entre les genres et délivre un océan de couleurs et de textures musicales dans son premier EP « how will i rest if i’m buried in a highway // », sorti en mai 2020. Flamboyant autant que vulnérable, et surtout diablement talentueux, il a été choisi par YUNGBLUD pour assurer la première partie de sa prochaine tournée. Il n’y a donc pas que La Ritournelle qui parie sur lui.

CELUI QUI NE VOULAIT PAS AJOUTER AU BRUIT AMBIANT

KennyHoopla – de son vrai nom, Kenneth La’Ron – n’a pas, comme nombre d’artistes, expérimenté la musique depuis sa plus tendre enfance. Ce n’est qu’à l’aube de ses 20 ans que le jeune homme, né à Cleveland, Ohio et maintenant basé dans le Wisconsin, concrétise les envies d’écrire, composer et enregistrer, qui l’habitent depuis toujours.

La condition sociale dans laquelle il a grandi explique cela en partie. Sans jamais tomber dans le misérabilisme, KennyHoopla exprime souvent en interview qu’il est né avec peu. Pas d’argent, pas de formation musicale possible, pas d’instruments à disposition, et pas de réseau professionnel non plus. Il a beaucoup consommé la musique, enfermé dans sa chambre. Il a beaucoup écrit, par-dessus les morceaux qui passaient à la radio, disséquant leurs structures, mais sans pouvoir véritablement passer le cap de la création. Il a toutefois touché au breakdance, à la peinture, à la photographie pour, dit-il, « conquérir différents médiums, afin de se rapprocher de la musique. »

Cette situation de manque l’a poussé à envisager la musique comme quelque chose de précieux, à distiller avec parcimonie :

« Je ne voulais pas ajouter au bruit ambiant et faire de la musique juste pour faire de la musique. J’ai attendu le moment d’avoir une approche authentique. Je voulais avoir quelque chose à dire – une approche différente. »

Lorsqu’il réussit enfin à s’entourer des personnes qui lui permettent d’enregistrer, il sort la musique de sa tête et lui donne corps :

« Je n’avais de cesse de fuir ça […] Je suis arrivé à un point où, émotionnellement, j’étais dos au mur, et artistiquement, j’étais prêt à me plonger dans la création musicale, utiliser les sons et ma voix pour m’exprimer. »

Ce parcours semé d’embûches explique aussi son approche organique des choses. Il joue de la guitare sans jamais l’avoir vraiment apprise. De manière instinctive, il tire de l’instrument ce dont il a besoin et s’affranchit complètement de la technique. Ses tout premiers accords ont d’ailleurs carrément fini sur l’enregistrement de how will i rest if i’m buried in a highway //, titre phare de son premier EP. Sur le morceau, sa base de guitare – simple mais obsessive – est relevée de scintillements presque disco, sur lesquelles KeenyHoopla démontre une étendue vocale hallucinante, entre un couplet et un pont retenus, presque parlés, et des refrains explosifs, proches du cri et bourrés d’aspérités.

Accéder à son désir de musique, quitte à pousser le do it yourself à l’extrême, c’est aussi dire à ceux qui ont grandi dans les mêmes conditions difficiles que lui, que oui, c’est possible ! KennyHoopla veut incarner pour les plus jeunes, le modèle qu’il n’avait pas en grandissant.

UN COCKTAIL D’INFLUENCES

Les médias américains l’ont d’abord décrit comme l’artiste qui défie les genres, mais KennyHoopla ne revendique pas une telle intention. Il s’est juste construit dans cet éclectisme. À la maison, il baigne dans la culture noire américaine, mais à l’école, il traîne avec « ce gamin asiatique super emo qui portait des bandeaux, des chaussettes multicolores et des jeans skinny » : des univers qui entrent en collision et qui font toute la singularité de son son. Sa musique est, pour lui, moins un mélange de genres qu’une exploration sonore.

« J’ai l’impression d’être plusieurs personnes à la fois, mais c’est juste ma façon d’être. Beaucoup de gens semblent n’être qu’une seule chose, mais moi, je suis partout en même temps. »

KennyHoopla est définitivement un kid des années 2000, une décennie dans laquelle il perçoit une authenticité particulière :

« Pas que les gens ne le soient pas maintenant, mais je sens définitivement qu’il y a moins de cœur dans la musique de nos jours. »

Il cite parmi ses influences, Passion Pit et Phoenix, Ludacris et Nelly, Funeral Suits et Teen Suicide ainsi que Metro Station (so 2007 !). Quand le public et la critique s’entêtent à établir la comparaison avec Bloc Party et son leader charismatique Kele Okereke ou avec le groupe TV On The Radio, KennyHoopla en appellent plutôt à Two Door Cinema Club ou The Drums.

C’est ainsi que KennyHoopla se situe là où on ne l’attend pas. Même s’il a commencé sur des terrains rap, il est définitivement un « indie boy at heart » : « J’écoute depuis tout petit de la musique indé et du rock ‘hard as fuck’ ».

Un rêve de gosse donc, que d’entamer une collaboration avec Travis Barker, batteur en chef de blink-182, sur le titre « ESTELLA// », sortie en Novembre dernier. Une effusion rock de moins de 2 min dont on se délecte !

Le dénominateur commun de toutes ses influences tient sans doute dans l’énergie, le sentiment d’urgence, la passion décelable à l’écoute :

“Quand je fais de la musique, c’est véritablement juste ce qui résonne dans ma tête. Je pense qu’on peut entendre quand les choses viennent vraiment du cœur. »

L’AUTHENTICITÉ EN ÉTENDARD

Navigant du pop-punk (sur how will i rest if i’m buried in a highway //) à l’ambient trap (sur the world is flat and this is the edge//), KennyHoopla délivre la musique avec la même ardeur, tantôt sans artifices, tantôt dans un festival de torsions numériques. Il y a de l’électricité dans ses performances, des émotions débordantes, passant d’un genre à l’autre sans vocation performative. Il s’agit pour lui, à chaque titre, de trouver le bon feeling, capturer le bon moment. Comme dans l’atmosphérique thinkingoutloud// , son préféré : “Si on pouvait ouvrir mon cœur, c’est probablement comme ça qu’il sonnerait. C’est beau, comme un chaos organisé. […] Comme une sorte de trip sous acide ou quelque chose comme ça. […] Comme quand on tombe amoureux. »

Quand l’écriture et la composition font souvent office de catharsis pour les artistes, KennyHoopla admet qu’il n’en est rien pour lui, que cela ne l’aide pas beaucoup à se débarrasser de ses démons intérieurs. Ce vide persistant l’empêche d’ailleurs d’écrire de manière abondante. Là aussi, il est à contre-courant de la figure de l’artiste prolifique, qui surproduit pour survivre : une position honnête, vulnérable et rafraîchissante !

« Le monde est putain d’étrange. J’ai beaucoup de choses à équilibrer dans ma vie, mais ma priorité est la musique. Mais ma façon d’être et les choses par lesquelles je suis passé – et que j’essaie de formuler dans ma musique – ne rend pas ça facile, ou facile à digérer. Je me sens un peu gris tout le temps, et je suppose que j’utilise la musique pour faire de la couleur. Mais c’est difficile de faire ça quand tu te sens gris. Donc j’essaie d’y aller un jour après l’autre, et de produire quand je peux. »

Une anxiété latente qu’il capture très bien dans dust// :

« And this anxiety /
It creeps into my home /
This is really all my fault /
Is this really all my fault though? »

Deux autres lignes dans le même texte définisse bien ce qu’il dégage – il n’est pas sûr de lui mais inébranlable dans ses croyances et ses valeurs.

« Have you ever had the right answer to the wrong question? /
Have you ever raised your hand in an art lesson? »

Il n’a pas non plus peur de dire que son travail reste à améliorer.

« Je ne suis amoureux d’aucune de mes productions. L’EP n’était pas comme je le voulais. Je ne pense pas être au niveau de ce que je veux pour ma musique. J’aurais aimé avoir plus de temps pour l’améliorer et tout, mais je voulais juste montrer ce que j’avais en terme en terme de son – une introduction aux musiques dans ma tête. »

Donner des petits morceaux de lui, avant de donner plus, chaque nouveau morceau s’approchant d’une forme de maîtrise.

Car, pour KennyHoopla, la seule chose qui compte est la musique. Peu importe les clips (bien que ces vidéos soient ultra léchées !), les artworks, le merchandising… le temps policera leurs souvenirs tandis que le son, lui, perdurera. Il pense qu’elle peut vivre d’elle-même. Ce qui l’anime davantage, c’est de fédérer une communauté autour de sa musique. Pusiqu’il s’est battu por avoir les bons collaborateurs et les écoutes. A la fois, autour de lui pour la créer, et ceux qui l’écoutent. Créer une connexion.

« Mais dieu merci, je ne sais pas trop ce que je fais. C’est plus facile pour moi de ne pas trop y penser, je me jette juste là-dedans. »

On vous laisse imaginer le résultat quand il saura ce qu’il fait !

LES PAGES DE KENNYHOOPLA : INSTAGRAM, TWITTER, FACEBOOK, YOUTUBE, SOUNDCLOUD

sous la plume de Coraline, le 16 février 2021.